Connaissances en placement
août 09 2024

Répercussions économiques de la divergence entre les taux d’intérêt aux États-Unis et au Canada

Lecture de 10 min

Lauren Bellai
vice-présidente, Gestion active des portefeuilles de titres à revenu fixe, GPTD

Sherbanu Moledina
associée, Gestion des portefeuilles clients, Clientèle institutionnelle, GPTD

La politique monétaire a commencé à être assouplie dans les marchés développés, notamment par la Banque du Canada (la « BdC »), qui a été la première banque centrale du G7 à réduire son taux directeur en juin 2024. Vu le ralentissement de l’économie canadienne et le retour graduel de l’inflation vers sa fourchette cible de 1 % à 3 %, les marchés s’attendent de plus en plus à d’autres baisses de taux. En revanche, l’économie américaine demeure assez robuste. Ainsi, les taux n’ont pas encore diminué au sud de la frontière, ce qui entraîne des divergences de taux d’intérêt entre les deux marchés. Cette situation a des répercussions économiques que les investisseurs doivent connaître.

 

Les décisions de politique sont tributaires des indicateurs économiques

Au début de 2024, de nombreux analystes des marchés prévoyaient jusqu’à six baisses du taux directeur par la Réserve fédérale américaine (la « Fed ») au cours de l’année, contre les trois baisses prévues par cette dernière. Toutefois, les nouvelles données économiques publiées au cours des six derniers mois ont considérablement réduit leurs attentes. Le marché obligataire table maintenant sur de modestes réductions de taux en 2024.

Les économies ont réagi différemment à la hausse des taux d’intérêt depuis que les banques centrales ont entamé leur cycle de resserrement. Touchées par les mêmes facteurs, dont des perturbations des chaînes d’approvisionnement et une demande accrue de biens et de services alimentée par des mesures de relance gouvernementales, les économies développées avaient conjointement amorcé leur cycle de hausses. Or, chaque pays entamera indépendamment son cycle d’assouplissement en fonction de facteurs intérieurs.

Il faut tenir compte de plusieurs points de données pour déterminer l’ampleur de la divergence entre la politique monétaire du Canada et celle des États-Unis : inflation, croissance économique et productivité, marchés de l’emploi et sensibilité aux taux.

  • Inflation : Après avoir atteint un sommet en juin 2022, le taux d’inflation global au Canada a diminué pour passer sous la barre de 3 %1 et demeure dans la fourchette cible de la BdC depuis le début de 2024. Aux États-Unis, même si l’inflation est en recul, elle vient tout juste de baisser sous le seuil de 3 %2, et certaines mesures, comme les prix des services essentiels, restent élevées. La Fed doit attendre que l’inflation diminue davantage avant de commencer à réduire son taux.
  • Croissance économique et productivité : L’économie canadienne progresse en deçà de son taux tendanciel depuis près de deux ans et le produit intérieur brut (PIB) réel par habitant n’a pas augmenté depuis 2020 – des résultats qui sont nettement inférieurs à ceux des États-Unis et des autres pays du G7. De plus, lorsqu’on le compare à celui des États-Unis, le PIB par habitant du Canada est en recul depuis les années 1970. Parallèlement, l’économie américaine continue d’afficher une croissance supérieure à son taux tendanciel malgré des taux d’intérêt plus élevés.
  • Marchés de l’emploi : Même si la croissance des salaires demeure vigoureuse tant au Canada qu’aux États-Unis, le taux de chômage est de 6,4 %3  à l’heure actuelle au nord de la frontière, un sommet qui n’avait pas été observé depuis le début de 2022. Aux États-Unis, il était de 4,1 % en juin 20244, ce qui indique que le marché de l’emploi est relativement tendu selon les moyennes historiques. En raison du double mandat de la Fed, qui est d’atteindre un taux d’emploi maximal et de maintenir la stabilité des prix, elle tiendra compte de l’évolution du marché de l’emploi, qui ne requiert pas, pour le moment, d’ajustement de sa part.
  • Sensibilité aux taux : Les ménages canadiens sont plus sensibles aux taux d’intérêt que les ménages américains. Cela s’explique par le fait que la dette des ménages canadiens est 80 % plus élevée que celle de leurs homologues américains, et que 15 % de leur revenu après impôt est consacré au remboursement de leur dette, ce qui est 1,5 fois plus qu’aux États-Unis5. En outre, les échéances de refinancement hypothécaire qui sont plus courtes au Canada font augmenter le taux d’intérêt sur le prêt plus rapidement qu’aux États-Unis, ce qui rend l’endettement des ménages canadiens plus vulnérable aux fluctuations des taux d’intérêt. Plus de la moitié des détenteurs de prêts hypothécaires canadiens, qui représentent 36 % de la population, n’ont pas encore eu à composer avec une hausse de taux d’intérêt découlant du renouvellement de leurs prêts hypothécaires. Or, selon les projections, leurs versements hypothécaires à la suite des renouvellements pourraient augmenter de 22 % en moyenne cette année et jusqu’à 32 % d’ici 20266. Puisque les Canadiens anticipent une augmentation des coûts hypothécaires, ils ont décidé d’épargner davantage et de réduire leurs dépenses discrétionnaires comparativement aux ménages américains7.

 

Facteurs de divergence à considérer

Dans quelle mesure la politique canadienne en matière de taux d’intérêt peut-elle s’éloigner de celle des États-Unis? Deux facteurs clés à prendre en considération sont la répercussion de la divergence sur le dollar canadien et l’ampleur de la divergence.

  • Répercussion sur le dollar canadien : Les fluctuations du dollar canadien devraient avoir un effet modeste, voire faible, sur l’inflation. La majorité des biens et services que les Canadiens consomment sont produits au pays, et plus de la moitié de leurs dépenses sont liées aux services, une catégorie moins touchée par les taux de change8. Par ailleurs, une étude de la BdC montre qu’une dépréciation de 10 % du dollar canadien entraînerait une hausse de 0,3 % de l’inflation de base, ce qui est gérable9. Cette faible hausse temporaire de l’inflation de base attribuable à l’effet de change peut être prise en compte par la BdC au moment de déterminer l’orientation de sa politique.
  • Ampleur de la divergence : La divergence entre les taux américains et canadiens n’a rien d’inhabituel. Le contexte est différent, mais cela n’a rien de nouveau. Historiquement, lorsque les taux directeurs étaient en territoire restrictif (p. ex., lorsque le taux des fonds fédéraux était supérieur à 3 %), la BdC accusait un retard d’au moins 75 points de base sur la Fed, à peu près la moitié du temps10. Selon GPTD, une divergence de 150 points de base demeure acceptable. Toutefois, cela ne correspond pas à notre scénario de base, car les conditions peuvent changer rapidement et seules les nouvelles données peuvent vraiment nous guider.

 

Il est important de ne pas considérer le Canada comme étant à part, car le taux directeur aux États-Unis diverge des politiques d’un grand nombre de ses partenaires commerciaux, y compris ceux de la zone euro.

À GPTD, nous estimons qu’une divergence de 150 points de base entre le Canada et les États-Unis est acceptable, même s’il ne s’agit pas de notre scénario de base. L’ampleur de la divergence au cours du présent cycle dépendra largement de l’évolution des données économiques. La BdC et les analystes des marchés sont tributaires des données et surveillent les principaux indicateurs économiques décrits ci-dessus qui orienteront les décisions en matière de politique.

 

1 Source : https://www.statcan.gc.ca/fr/debut (en date du 16 juillet 2024)

2 Source : Bloomberg Finance L.P. (en date de juin 2024)

3 Source : Bloomberg Finance L.P. (en date de juin 2024)

Source : Bloomberg Finance L.P. (en date de juin 2024)

5 Source : Réserve fédérale de St. Louis : https://fred.stlouisfed.org/ (en date du 31 octobre 2023)

6 Source : Banque du Canada : https://www.banqueducanada.ca/2024/05/rapport-sur-la-stabilite-financiere-2024/ (publié le 9 mai 2024)

7 Source : Banque du Canada : https://www.banqueducanada.ca/2024/05/rapport-sur-la-stabilite-financiere-2024/ (publié le 9 mai 2024)

8 Source : Banque du Canada : https://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2015/10/dp2015-91.pdf (en anglais seulement)

9 Source : Banque du Canada : https://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2015/10/dp2015-91.pdf (publié en septembre 2015, en anglais seulement)

10 Source : Services économiques TD https://economics.td.com/ca-history-of-policy-rate-divergence (publié le 29 mai 2024, en anglais seulement)

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